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L'Egalité c'est pas gagné !
7 avril 2019

Le Système scolaire, un modèle d’inégalité

 

123029848_oL’une des grandes fonctions du système scolaire et universitaire est de transmettre à la nouvelle génération le résultat du travail des siècles précédents en matière culturelle. Telle est donc la fonction sociale du système éducatif : transmettre un patrimoine et des aptitudes pour que la civilisation puisse perdurer et s’approfondir. 

Dans l’idée de ne pas désavantager les uns au profit des autres, on devrait choisir un système scolaire qui ne fasse le moins référence à la culture acquise par les parents d’élèves  puisque ces parents pourraient favoriser leurs enfants, au détriment des autres. La culture générale étant source de différenciation (de « discrimination »)

L’égalité des chances incarne l’idéal méritocratique de nos sociétés libérales. Cette conception est centrée sur l’idée de mérite. Selon celle-ci, les résultats scolaires des élèves doivent refléter leurs efforts et leur travail, et l’école, par sa neutralité, se doit d’être la gardienne de cette compétition juste. Mais cet idéal méritocratique n’est pas toujours univoque. D’ailleurs, il se décline de deux manières : l’égalité des chances d’accès et l’égalité des chances de réussite.

L’égalité des chances d’accès est plus ancienne. Elle se centre sur la neutralité de l’école. Une école juste doit être gratuite, accessible à tous et traiter tous les élèves de la même manière. Selon cette conception, on évalue essentiellement le caractère juste de l’école en regardant l’institution scolaire elle-même, et non les résultats qu’elle produit.

L’égalité des chances de réussite ne se contente pas de regarder en droit le caractère égalitaire ou non de l’école. Elle s’intéresse à la réalité sociale de l’égalité des chances. Pour cela, les résultats scolaires des élèves ne doivent pas dépendre d’un quelconque capital (culturel ou économique) hérité des parents et de la famille. En fonction des lieux et des époques, on pointera plutôt l’inégalité des chances selon la classe sociale, le genre, l’origine ethnique… Cette seconde égalité des chances se distingue de la première en se centrant davantage sur la réussite des élèves que sur l’accès à l’école. C’est pourquoi on peut les nommer respectivement égalité des chances d’accès et égalité des chances de réussite.

Même si l’idéal de l’égalité des chances est le principe de justice le plus ancien et le plus ancré dans l’école, il est critiquable sur trois aspects. Premièrement, c’est un idéal qui s’est construit en intégrant deux valeurs relativement divergentes : la liberté et l’égalité. D’une part, la valeur de liberté suppose que « rien ne doit plus entraver la conquête, par les meilleurs, de positions de domination qui leur reviennent légitimement », ce qui conforte l’idée selon laquelle la compétition et la concurrence acharnée, chères aux partisans d’une intervention minimale de l’État, sont les (seuls) facteurs de l’efficacité et du progrès. D’autre part, l’idée d’égalité nécessite l’intervention de l’État pour garantir le caractère juste de la compétition. Ces deux valeurs entrent donc en contradiction sur l’opportunité de l’action publique. Par exemple, les partisans du versant « liberté » de l’égalité des chances s’opposent généralement à la discrimination positive, car elle est considérée comme une entrave à la conquête des bonnes places par les « meilleurs ». Par contre, ceux qui s’appuient sur la valeur d’égalité soutiennent généralement ces dispositifs, car ils permettent d’améliorer le caractère « juste » de la compétition. Ce caractère équivoque de l’égalité des chances peut être considéré comme un manque de cohérence de cette conception.

Deuxièmement, l’expression consacrée d’égalité des chances confond deux définitions divergentes d’un même vocable : la chance. En effet, dans son acception politico-philosophique, l’expression égalité des chances renvoie à la notion d’opportunité. L’égalité des chances suppose que les personnes aient les mêmes possibilités de réussir, et donc que leur succès ne soit dû qu’à leur mérite, c’est-à-dire leur capacité à saisir, par le travail et l’effort, les opportunités. Par contre, l’égalité des chances renvoie au concept de probabilité. En effet, les sociologues considèrent qu’il y a égalité des chances lorsqu’ils constatent une situation d’indépendance statistique entre la variable mesurant l’origine sociale et celle qui mesure les résultats scolaires. Cette indépendance statistique indique, en fait, que les positions sociales sont distribuées de manière aléatoire. Or, les notions d’opportunité, de mérite et d’effort relèvent d’un registre opposé à celui de probabilité, de hasard et d’aléatoire : il serait absurde de dire d’un élève qui a obtenu une bonne note par hasard qu’il l’a méritée. On voit donc bien que la mesure diffère nettement de la conception philosophique.

Troisièmement, paradoxalement, l’égalité des chances permet de légitimer certaines inégalités : celles qui proviennent de différents efforts individuels. Par exemple, le fait que seulement certains étudiants ont accès à des études prestigieuses est légitimé par l’idée qu’ils ont plus travaillé que les autres. Or cette légitimité renforce les inégalités. C’est pourquoi certains critiquent fortement l’idéal de l’égalité des chances pour son caractère d’idéologie participant à la reproduction des inégalités.

 

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